Baptiste Fillon

(rien à voir avec François)

Le site de Baptiste Fillon, auteur du roman Après l'équateur, publié chez Gallimard, dans la collection Blanche.

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Antilia, les débuts

Après Le Havre avec De grâce, Maxime et moi développons un nouveau projet de série pour Arte, nommé Antilia. La série se déroule à Saint-Martin, où nous avons passé une dizaine de jours pour y mener un voyage de documentation. Je connaissais déjà un peu l’île pour m’y être rendu en 2018, un an après Irma. Fidèles à notre démarche, nous avons tâché d’écouter les lieux, en interrogeant des habitants de toute l’île, tant du côté français que néerlandais, ainsi que d’Anguilla, parcourant Saint-Martin en voiture, à pieds ou en bateau. Une plongée dans une île-monde, solaire, souriante et sombre, des néons criards de Simpson Bay à la déglingue paisible d’Anse des sables ou des ruines de “La belle créole”, une île où cela parle plus anglais que français, mais aussi espagnol, néerlandais et papamiento.

Ma plus grande émotion lors de la promotion de "De grâce"

Je suis très ému par cette couverture. Parce que c'est le magazine que je trouve sur la table du salon de mes parents ou de mes amis quand je rentre au Havre, le canard de ceux qui n'ont pas forcément les moyens d'aller au cinéma toutes les semaines, de ceux qui se retrouvent trop rarement dans les personnages des films et des téléfilms. Avec Maxime Crupaux, nous avons voulu écrire une série à la fois exigeante et résolument populaire, avec des personnages forts et issus de la vraie vie, dans ce qu'elle peut avoir de rude, de violent mais aussi de poétique et de touchant. J'espère que le pari est réussi. Dans tous les cas, nous y avons mis toute notre énergie.

“De grâce”, interview dans "Drama Quartely"

Extrait d’une interview réalisée lors de l’édition 2023 de Séries Mania, avec Vincent Maël Cardona, le réalisateur de la série De grâce, que j’ai co-créée avec Maxime Crupaux, où il est question de la genèse de la série, de la façon dont nous avons travaillé ensemble et de notre vision de la ville du Havre, où se déroule la série :

Pierre is loud; he’s the voice of the city, which is between two worlds. It’s a very small city, and it’s the beginning of the world. You can smell it when you work around Le Havre – when you speak with some of the people who work there, they used to work in America or Brazil, so you feel like you can smell the world. On the other hand, it’s a small city that can have a classic provincial atmosphere, and we wanted to the audience to feel it.
Pierre is Le Havre, definitely. He’s torn between the past, the unions, the hope of revolution and the new era we’re living in, what in France we call liberalisme. He’s at the centre of two big tensions in Le Havre.

Anatomie d'un divorce, de Taffy Brodesser-Akner

Une très bonne série, pas un chef d’oeuvre. La faute à un rythme qui m’a semblé légèrement lent et à une voix-off virtuose mais parfois trop bavarde, et donc pas assez juste, selon moi. Dans le pilote, elle est d’une efficacité redoutable et porte une exposition qui réussit le tour de force de pénétrer les personnages au coeur, tout en les traversant de désirs clairs. Ils sont nous, ils sont attachants, irritants, profondément malsains et lumineux. Ils sont le quotidien, la chronique. Tout ce qu’un divorce peut avoir de banal et de déchirant. Il n’y a pas de routine, la vie est toujours extraordinaire, même dans ce qu’elle a décalé : naissance, mort, mariage… Anatomie d’un divorce, c’est le récit de ce merveilleux dans le métro, le boulot, les bouchons, les câlins des enfants et les vacances foirées. Avec beaucoup d’esprit, une sagesse de rêveurs endurcis, des audaces de réalisation qui fonctionnent très souvent et un excellent casting.

Crédits : FX Networks

De Grâce, souvenir de repérage

Je viens de retrouver cette photo, qui doit dater de 2017. Avec Maxime Crupaux, co-créateur de la série, nous étions montés à bord d’une abeille pour voir le port depuis la mer et avec les gens qui y travaillent. Ce jour-là, le remorqueur faisait entrer dans le port un pétrolier d’Europe de l’est, si mes souvenirs sont bons.

Olive Kitteridge, Jane Anderson

Une femme qu'on dirait incapable d'aimer et qui en meurt d'envie, un mari falot, qui s'accroche à elle, tentant de fleurir leur quotidien et un fils sans envergure, à qui elle ne sait pas donner d'affection. C'est la chronique à ras de terre d'un petit port de pêche de la Nouvelle Angleterre, l'une des meilleures séries que j'ai jamais vues, adaptation d'un roman du même titre. Quatre épisodes de 52 minutes empreints de la tension sourde de l'existence : amour, tentations, tromperies, accablements et épiphanies... Le bercement et l’oscillation de vie, avec ses aigreurs, chagrins et ses choix non pris, et toujours la possibilité du bonheur.

Frances Mc Dormaid et Richard Jenkins sont incroyables, Bill Murray fait du Bill Murray au dernier épisode. La série est d'une grande efficacité, d'une maîtrise qui ménage les vides et les pleins sans jamais perdre la tension. D'un point de vue scénaristique, c'est aussi le parti-pris courageux d'assumer la chronique et de faire confiance aux trois choses qui font une grande fiction : les personnages, les personnages et les personnages.

De Grâce, premier jour de tournage

C’était la première fois que j’assistais au tournage d’une fiction que j’avais écrite (avec Maxime Crupaux pour l’ensemble des épisodes, ainsi que Malysone Bovorasmy et Sylvie Chanteux, pour les épisodes 3 et 4). Le premier jour d’un tournage est le moment où s’incarne de façon la plus nette le caractère quasi magique de l’écriture. Comme si un écrivain voyait soudain s’animer ce qu’il avait posé sur le papier. Le texte lance le mouvement de savoir-faire, d’histoires et de talents qui se rassemblent et se nouent pour incarner les péripéties que vous avez imaginées, conçues, formalisées, avec leur rythme, leur respiration et leur gouaille. Le texte prend une gueule et des voix. C’est aussi la petite mort d’un fantasme qui a mûri pendant plusieurs années. Car il va exister. C’est émouvant, déroutant, mais aussi angoissant : ça va avancer, ça va se faire, il n’y aura plus moyen d’y couper. Enfin et surtout, c’est un immense bonheur, une grande fierté. De grâce, c’est la série de ma ville. En littérature comme en scénario, j’écris par et pour un endroit, en m’affranchissant du naturalisme quand je l’estime nécessaire. Un supermarché, une mégapole, une forêt tropicale ou une piscine, peu importe… chaque lieu contient de quoi mettre en branle des personnages, de grandes histoires, pour qu’on prenne le temps d’explorer ces endroits et de se documenter. Même si c’est pour ensuite s’affranchir de ce matériau.