Tous ceux qui tombent, Jérémie Foa
Le massacre de la Saint-Barthélemy (détail), François Dubois (1529-1584), Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne.
Fin août 1572 en France. Les catholiques massacrent les huguenots. C’est le temps de la proverbiale nuit de la Saint-Barthélémy à Paris. Mais il n’y a pas seulement Paris et pas seulement cette nuit-là. Jérémie Foa y revient avec acharnement et ténacité dans un livre au ras du sol, au ras des gens, dans la lignée de la micro-histoire de Ginzburg. Il s’inscrit au plus proche des états d’âme des oubliés d’un massacre qui s’inscrit en lettre de sang dans l’histoire de France. On tue par fanatisme, les enfants comme les vieillards, partout dans le pays, on tue par intérêt, pour récupérer un héritage, la maison du voisin, se débarrasser d’une épouse ou d’un mari encombrant. Les assassins deviennent des notables, adoubés par Henri III, qui meurent dans la paix douillette de leur lit. Il faut saluer le style, l’extrême rigueur et la passion avec lesquels travaille Jérémie Foa, qui refait entendre les cris des massacrés et des assassins, ainsi qu’un fondamental besoin de justice face à la brutalité avec laquelle certaines victimes furent suppliciées puis oubliées.
“Interminable appel des morts. Noms de papier qui précipitèrent le destin des victimes, valant droit de vie ou condamnation. Ces listes ont été patiemment collectées au prix d’heures d’enquêtes, de délations, mais surtout au gré d’interactions d’homme à homme et de contacts visuels (...) La Saint Barthélémy est l’opposé d’un massacre mercenaire (...) Le massacre existe dans le corps des bourreaux avant d’exister au dehors. On l’a déjà souligné, avant d’êtres accomplis en vrai, les gestes du pogrom ont été peaufinés par les bourreaux lors des innombrables arrestations des années 1568-1570.”