Ayacucho, Alfredo Pita
Une guerre qui ne dit pas son nom, sans vainqueurs et dont les perdants sont les pauvres gens d’Ayacucho, une ville située au sud-est de Lima, à dix heures de voiture. Ce livre vériste s’avance dans le fantastique à force de naturalisme, à la manière d’un roman de Sciascia. D’un côté, l’Armée et l’Eglise, de l’autre, la guérilla maoïste du Sentier lumineux. Au milieu, l’enfer pour tous. Massacres, disparitions, viols. Nous sommes entre la fin des années quatre-vingts et le début des années quatre-vingts dix. La mort attaque la nuit, aux détours, enlèvent les grandes gueules comme les innocents. Pas d’hymne, pas de profession de foi, juste la barbarie, une boucherie pornographique.
Les lieux parlent, il suffit de les écouter. En quechua, “Ayacucho” signifie “coin des morts”. En 1824, c’est l’endroit où l’Espagne a capitulé pour de bon, lors d’une bataille dont certains disent qu’elle n’a pas eu lieu. C’est ici que les Espagnols ont abandonné l’Amérique latine à ces créoles qui ont depuis mené le continent dans ce cycle ininterrompu d’échecs et d’espoirs, qui tourne à la passion de l’argent, le racisme, l’indolence et le patriotisme.
Un roman d’une crudité presque lyrique, qui s’oublie dans des épiphanies métaphysiques, face au néant habité de la Sierra ou le grand ciel étoilé qui observe les hommes tuer, copuler et mourir.