Baptiste Fillon

(rien à voir avec François)

Le site de Baptiste Fillon, auteur du roman Après l'équateur, publié chez Gallimard, dans la collection Blanche.

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Journal d’un scaphandrier ivre qui va accoucher de trois ananas durant la pandémie de Covid

Un texte de Custódio Rosa, traduit par mes soins, et initialement publié sur le blog que nous tenons ensemble.

Crédits photo : areta ekarafi on Visual Hunt / CC BY-NC-ND

Crédits photo : areta ekarafi on Visual Hunt / CC BY-NC-ND

Chirurgie, religion, bêtise et petits instants de grâce… Le journal d’un type qui a eu la bonne idée d’avoir une appendicite pendant l’épidémie de coronavirus, au Brésil.

. Pilules d'hôpital - 1

L'infirmière vient me faire une prise de sang.

- Je suis du labo.

Vous pensez : laboratoire, lieu technique, d'analyse et de science.

- Vous n'allumez pas le téléviseur, non ? Vous faites bien. Ils ne passent que des choses qui tentent d’ébranler notre foi. Et plus encore maintenant, avec ce machin qu'ils ont inventé juste pour nous faire peur.

En deux minutes, elle m’a fait une prise de sang, a prononcé le nom de Jésus onze fois, et est repartie.

Au laboratoire.

. Pilules d'hôpital - 2

Dopé, le patient a zappé cette pilule.

. Pilules d'hôpital - 3

Aux urgences, un médecin et trois ou quatre infirmières. Ils parlent de l'aide de 600 réaux accordée pendant la quarantaine. Le médecin étonné :

- Seulement pour ceux qui gagnent jusqu'à 28 000 par an. Les gars, qui survit avec 28 000 par an?

Silence des infirmières.

. Pilules d'hôpital - 4

Toujours le médecin et les infirmières. Quarantaine.

L'une des infirmières :

- Je ne sais pas ce qui est pire. Restez à la maison, comment ? Mon mari dit que le monde doit continuer à fonctionner, et qu’il y en a bien qui vont survivre. Il travaille en indépendant.

J'attends le docteur. Il dit :

- Je ne sais pas s'il a tort.

Un docteur.

. Pilules de l'hôpital - 5

Sur le chemin du retour, un chauffeur Uber :

- Hier, trois petits vieux que je connais sont morts. Aucun du corona. Je suis sûr qu’ils vont les mettre dans les statistiques.

Je reste silencieux, puis je réponds.

- J'ai des amis en Italie, en France. Croyez-moi, c'est grave et ça va empirer.

Il me regarde dans le rétroviseur. Son regard me dit clairement: "t’es dingue".

. Pilules d'hôpital - 6

Un autre chauffeur Uber :

- J’ai travaillé dans les prothèses et le matériel chirurgical. Le médecin reçoit une commission pour chaque pièce, tout est surfacturé. Il y en avait un qui prenait 500 000 par mois, rien qu’avec mon laboratoire. Personne n’osait le défier, parce que s’il ne pouvait pas vous encadrer, il vous faisait virer.

. Pilules d'hôpital - 7

Le jour J du débarquement en Normandie, beaucoup sont morts pour libérer le monde, tandis que des gamins jouaient au ballon sur un terrain vague au Brésil.

Je viens de sortir d'une intervention chirurgicale. Je parle à l'infirmière, originaire du Sergipe, sérieuse mais sympathique, qui m'emmène dans ma chambre :

- Vous aller avoir au moins deux mois difficiles.

- C'est tout ?

Je trouve les prévisions basses, mais je ne dis rien.

Elle ajoute :

- Ce sera difficile pour ceux qui vont survivre.

- Avez-vous des amies contaminées?

- Plusieurs. Certaines en soins intensifs, d'autres ont été testées positif et sont en quarantaine. Beaucoup de médecins aussi. L'hôpital embauche dans le cadre d’un plan d’urgence.

Je pense aux nombreuses personnes encore aliénées qui n’ont pas compris ce qui est en train de se passer.

Le jour J de l'invasion de la Normandie, beaucoup sont morts pour libérer le monde, tandis que des gamins jouaient au ballon sur un terrain vague au Brésil.

Nous n'avons pas le droit d'être ces gamins.

. Pilules d'hôpital - 8

Le premier jour où vous vous rendez dans votre chambre, on vous autorise à porter votre T-shirt à l’effigie de Guernica et un short, après tout l'élégance compte.

Le deuxième, on ouvre votre tablier à l'arrière, vous en faites un charmant kimono.

Le troisième, tout le monde voit votre cul et vous vous en foutez.

. Pilules d'hôpital - 9

Le confinement et l’urgence causée par mon appendice m’ont saisi durant la meilleure phase physique de ma vie.

15% de masse graisseuse, la "tablette de chocolat" si socialement idolâtrée bien en place, comptant rester visible, même s’il ne s’agit pas d’un objectif ni d’un but en soi. Après tout, je ne dis ne pas non à une friandise après le déjeuner, ni à une bière ou du vin, au moins deux fois par mois.

Mais n'étant pas grand ni tout à fait crétin, pas assez fortuné pour m’offrir des Ferrari ou des restaurants, n’exerçant pas une profession aventureuse telle que surfeur ou parachutiste, et sachant que l'intelligence n'est pas exactement un élément de valeur aujourd'hui, un homme de 52 ans a besoin d'une attrait sexy pour rester sur le marché.

C’est avec un sentiment de propriétaire que je vois dans le miroir la possibilité que ma tablette de chocolat soit gommée, même si j’essaye de ne pas y accorder trop d’importance.

- "Si ça te dit, je pars deux semaines et je te récupère, cher abdomen."

Puis un coronavirus fait son apparition, un confinement, et une appendicite.

Une semaine, vous montez 500 marches pour vous échauffer avant la salle de sport, la suivante vous allez par le monde comme un scaphandrier ivre qui va accoucher de trois ananas.

Le ventre énorme, rond et déformé, avec plusieurs marques d'incision qui laisseront des cicatrices.

Mon abdomen ...

Rien n'est à nous. Ni la Ferrari ni les tablettes de chocolat.

Nous sommes juste un tas de molécules qu'on a refourguées.

. Pilules d'hôpital - 10

Alors que je me trouvais à bord d’un Uber pour la deuxième fois, souffrant déjà d’une appendicite aiguë, je me suis allongé sur le siège arrière de la voiture en levant les yeux.

Un après-midi glorieux, comme chaque jour depuis la quarantaine. Au-dessus, dans le ciel sans nuages, un minuscule vautour tournoyait.

Bien sûr, j'ai pensé à un dessin animé. Je lui ai dit :

- Je suis toujours vivant, le jeune vautour maladroit devient une charogne.

Dans le sud de São Paulo, cela fait trois semaines qu'il fait beau. Des maritacas matinales sillonnent le quartier. Le barrage de Guarapiranga doit être plein de hérons, canards et poulets d'Angola. Mes plantes dans l'arrière-cour poussent, les fougères ressemblent aux bimbos musclées de la salle de sport.

Ici à Jabaquara, où se trouve l'hôpital, le bruit des avions résonne quatre ou cinq fois par jour. La moyenne était d'un avion toutes les deux minutes.

J'écoute les oiseaux, qui auparavant fuyaient le quartier à cause des turbines, circulant dans la région.

La nature reste exubérante.

Un air plus pur, un ciel avec plus d'étoiles, des animaux plus paisibles, c'est presque un témoignage de mépris envers l'espèce humaine.

La nature ne dépend pas de nous. La nature n'a pas besoin de nous. Je dirais même que nous faisons déjà des heures supplémentaires.

Elle a envoyé un message évident :

- Vous n'êtes qu'une espèce comme une autre. Comme des milliers qui ont déjà existé et se sont répandues sur le globe. Vous êtes arrogants, ignorants, destructeurs et limités. Je vous élimine avec un virus créé en un claquement de doigt. Comprenez votre lieu de vie, respectez votre maison, révisez vos concepts.

Il est certain que nous n'apprendrons pas.

Nous sommes les vautours.

Et le vautour maladroit devient charogne.

. Pilules d'hôpital - 11

Trump et les États-Unis ont siphonné le marché mondial des équipements de lutte contre les coronavirus. Ils sont allés en Chine, ont fait l’offre la plus élevée, nettoyé le stock (y compris la commande à destination du Brésil, qui se retrouve le bec dans l’eau).

Mais ils ont payé aussi très cher pour le prendre à d'autres pays, y compris l'Allemagne.

Ils ont retiré le stock du monde.

C'était le gouvernement américain.

Pour le distribuer aux hôpitaux, pas vrai ?

Non.

Il existe six ou sept grandes sociétés de fournitures médicales aux États-Unis. Ils possèdent des camions et un système de distribution.

Le gouvernement va transmettre tout ce matériel confisqué au monde (l'Allemagne a taxé cela de piraterie moderne) à ces entreprises qui vont le VENDRE aux hôpitaux.

Je vais répéter : VENDRE.

Aux enchères, comme eBay.

L’hôpital qui offre le plus emporte la mise.

Et puis il adresse la note aux patients.

Les hôpitaux qui n'ont pas de fric n'ont pas de masque.

Le patient qui n'a pas de fric ne respire pas.

C'est du pur capitalisme, sans censure ni hypocrisie.

L'État injecte des millions et cède un marché monopolisé à des partenaires privés, de bonne grâce.

Il prend tout au monde entier et fait d’un atout vital un profit astronomique pour les géants du secteur, sans rien en retour.

Dans la pilule 10, j'ai dit que nous n'apprendrions pas.

Cela n'a pas pris trois minutes.

Ci-dessous le lien vers la conférence de presse du gouvernement américain expliquant tout cela comme si de rien n’était :

. Pilules d'hôpital - 12

A l'étage où je me trouve, toutes les chambres et les lits sont occupés.

C'est un secteur sans Covid.

On peut déambuler dans les couloirs, mais comme j'ai vécu deux admissions en une semaine, j'ai ordre de rester dans ma chambre. Je suis isolé dans l'isolement, très cher.

Je n'ai pu sortir que sur des brancards ou des chaises roulantes, pour les examens.

Je connais déjà un peu la structure de l'hôpital et je constate que l'itinéraire change chaque jour.

En raison de Covid, des secteurs sont restreints, des ascenseurs et des couloirs sont réservés à des publics spécifiques. Les itinéraires internes sont modifiés.

Ma chambre disposait d’un moniteur avant mon arrivée. On est déjà en train de le préparer pour le transférer aux soins intensifs.

Ce matin, la médecin, âgée de vingt-sept ans au plus, est venue me rendre visite. Ses collègues d’autres secteurs sont en train d’être recrutés.

J'ai demandé à en savoir plus sur la situation :

- Ce secteur du deuxième étage est désormais le seul de l'hôpital non utilisé pour le Covid.

- Alors ... nous sommes le village d'Astérix.

Je ne pense pas qu'elle ait compris.

Ces dessinateurs sont fous.

. Pilules d'hôpital - 13

J’ai passé une partie de la journée connecté à une tige munie de roues. Des poches de sérum physiologique et de médicaments s’écoulaient lentement.

Comme je suis un équipement d'un certain âge, il est toujours acceptable d'être surveillé de façon analogique par des câbles et des fils. Un jour, il y aura du sérum physiologique Wi-Fi.

Je dois marcher dans la chambre, cela fait partie du processus de récupération. Il est parfois nécessaire de transporter mon partenaire à roues dans la pièce.

Aller et venir avec des virevoltes, comme une danse.

Et comme toute danse, il y a les partenaires avec qui cela fonctionne bien et celles qui gênent.

Je n'ai pas eu de chance, j'ai une roue coincée, elle n’avance pas bien en ligne droite, et tourne mal. Je ne m'attendais pas à un tango sensuel, mais je n’avais pas non plus besoin que ce soit une course d’obstacles.

L'alternative est d’en faire abstraction.

Téléphone portable, lecture, réflexion en tous genres pendant que je pousse automatiquement ma méchante partenaire.

Aujourd'hui, une infirmière est entrée dans la pièce. Elle m'a vu aller aux toilettes avec ma nouvelle petite amie.

- Où allez-vous, monsieur Custódio ?

- Aux toilettes.

- Et pourquoi y aller accompagné ?

Là, j'ai réalisé que j’avais passé ma matinée à pousser la tige, dépourvue de médicament. J'étais libre, déconnecté.

- Je ne m’étais pas rendu compte que j’étais célibataire.

Elle rit et montre les poches de médicament sur le plateau.

- Plus maintenant.

. Pilules d'hôpital - 14

Chaque fois qu'on mesure mon rythme cardiaque, je préviens : il est faible. Au repos et en position couchée, il atteint 52, 48 par minute. Il est important d'avoir cette référence en tête.
Je pense que le nom technique est "bradycardie".

Chaque fois que j'en parle, les infirmières demandent "Vous étiez athlète?".
Parfois, je dis que je suis juste avare, que j'économise des battements pour la fin.

À l'hôpital, cette scène se produit au moins trois fois par jour. Il vient toujours une infirmière différente, selon le planning.

Aujourd'hui, il en est venue une que je ne connaissais pas encore. Évangéliste, comme presque toutes. Je m'en suis rendu compte. Elle a pris mon rythme cardiaque et m'a posé la question :

- Bon. 53 battements. Vous étiez athlète ?

- Oui

- Quelle bénédiction. Tout comme Bolsonaro.

- ...

- Monsieur Custódio, pourquoi êtes-vous monté à 96 ?

. Pilules d'hôpital - 15

Aujourd'hui, c'est mon dernier jour d'hospitalisation.
Ils ont décidé qu'à la fin de la journée, je pouvais rentrer chez moi.
Apparemment, je suis déjà capable de produire de l'eau par moi-même et de servir leur déjeuner aux plantes.

Ou quelque chose dans le genre.

Ce matin, j'ai trouvé le couloir un peu bruyant. Conversations et voix.
J'ai demandé à l'infirmière la raison de ce vacarme :

- Vos amis veulent quitter l'hôpital.

Le fait est que pratiquement deux couloirs de mon étage n'accueillent toujours pas de Covid. Le reste de l'hôpital se prépare à prendre en charge des malades dans tous les secteurs. Progressivement, ils renvoient les patients chez eux, agrandissent le front.
Il s'avère que beaucoup ne peuvent pas sortir. Il ont des examens, des opérations ou sont en convalescence.
La nouvelle selon laquelle nous sommes cernés a semé la panique.
De nombreux patients ont refusé de se soumettre à des examens fondamentaux, craignant que l'air, les murs et les personnes ne soient contaminés.
Comme l'a dit Dona Joélia, une dame du Maranhão qui fait le ménage chaque matin, "ces gaz qui émanent de Satan".

Dona Joélia est drôle, toujours accompagnée d'un partenaire timide qui n'entre pas dans les chambres. Elles paportent, se disputent, rient. On dirait un duo d'une comédie américaine, le genre où la police recrute deux types sans aucune référence pour en faire des agents infiltrés. L'autre jour, elle a fait un tour sur elle-même en franchissant la porte. Elle m'a regardé et m'a dit :

- J'ai failli tomber. Le gant s'est pris dans la porte.

Elle n'a qu'une fille, qui fait radiologie et a dû interrompre son stage à cause des "gaz".

- Quel âge avez-vous ?

- Cinquante ans.

- Je n'ai pas mes lunettes, Dona Joélia. Je ne peux pas dire si vous faites moins.

- Pas de lunettes, hein ? Mais tu as l'oeil, je le sais.

De tous ceux qui travaillent ici, ce sont peut-être les moins protégés qui partent d'ici à la nuit tombée, à bord de bus bondés, à destination d'un quartier lointain.

- Je rentre chez moi aujourd'hui, Dona Joélia. Pensez-vous que mes plantes sont encore vivantes ?

- Avec la grâce du Seigneur, elles ne souffrent pas de ces gaz.

Voilà.

Après cinq jours sans cuisiner ni prendre mes médicaments tout seul, je retrouve l'autonomie des adultes dans le monde réel.

Je pense que je sais déjà comment produire de l'eau par moi-même et servir leur déjeuner aux plantes.

Ou quelque chose dans le genre.

Ceux qui passent pour des cons

Avouons-le, certains écrivains, du moins parmi les plus visibles, sont en train de passer pour de sacrés cons (je sais, cela laisse l’immense majorité des gens indifférents). A l’instar de nos politiques (là, plus de gens s’en rendent compte).

Cela n’est pas un hasard. Pour la plupart, ces gens sont issus de milieux sociaux-culturels identiques et conçoivent l’existence sur le même modèle : une course de « premiers de cordée », à laquelle ils ont eu la chance de partir quelques mètres en avance. Ils forment un milieu dont ils maîtrisent les codes, et qui n’a d’autre but que sa propre conservation. En dépit de sa médiocrité.

Même déconnexion à l’égard de la réalité du pays, même conservatisme, plus ou moins bon teint, même impéritie. De la belle au bois dormant au baroudeur en bois. De la « gôche » à la « droâte ».

Tenons-nous le pour dit : le monde ressortira peut-être bouleversé de ce que nous vivons, mais ces gens ne changeront pas. Ce sont nos « élites », qui ont promu et promeuvent une indigence assumée, dans la conduite des affaires, l’”art” et la “pensée” Nous en payons le prix depuis des décennies et plus que jamais à l’heure qu’il est.

Nous réalisons que l’humanité est mortelle, en dépit du wifi, du bio et de l’air conditionné

Nous n’avons jamais été modernes, répétait Bruno Latour, lorsqu’il était mon professeur, voici plus d’une dizaine d’années. Nous en faisons l’amère expérience depuis plusieurs semaines et pour une durée encore indéterminée. Peut-être très longue. Nous réalisons que l’humanité est mortelle, en dépit du wifi, du bio et de l’air conditionné. L’économie s’effondre. Le cadre de la Défense redécouvre qu’il ne sera jamais émancipé de son biotope, jamais maître et possesseur de la nature. Et qu’il est largement moins utile à la société qu’une caissière ou un éboueur.

Le cadre de la Défense redécouvre qu’il ne sera jamais émancipé de son biotope, jamais maître et possesseur de la nature. Et qu’il est moins utile à la société qu’une caissière ou un éboueur.

Mais ne nous voilons pas la face, cela ne durera pas. La majorité ds gens ne rêve que d’une chose : s’enfiler des tunnels de réunions et retourner chez Ikea le samedi après-midi. Dans un laps de temps aussi court, nous sommes incapables de changer de modèle de civilisation. Ne serait-ce que pour des raisons logistiques.

Notre bon vieux capitalisme néo-libéral s’offre juste une petite sieste.

Et puis, malgré les faillites, les drames humaines, les morts, les esprits ne sont pas prêts. Rien ou presque n’a été instauré pour cela. Notre bon vieux capitalisme néo-libéral s’offre juste une petite sieste.

Il y a des gens dont c’est la tâche de préparer la voie, avant les experts, les politiques, les ingénieurs. Et ce sont les artistes. Ce n’est pas à la mode d’écrire cela, mais j’espère que les artistes comprendront la responsabilité qui est la leur. Je parle d’imaginaire, de talent, d’exploration, de souffle. Difficile de se l’avouer dans une époque menée par le tableur Excel, la courbe des ventes, le nombrilisme et le militantisme à la petite semaine, mais une société, quelle qu’elle soit, trouve sa consistance dans l’imaginaire, les récits et les mythes bâtis par les artistes.

Même s’il l’ignore et s’en contrefout, le monde a encore besoin des artistes pour se réinventer. L’art est le socle de la civilisation.

En attendant, ceux qui se trouvent en têtes de gondole les font passer pour de sacrés cons.

Dans "Roland"

1999. Fanatique d’Agassi, un ado fugue pour assister à la finale Agassi-Medvedev, l’une des plus incroyables de l’histoire du tournoi. Le reste est dans la nouvelle, intitulée “Looking for André”.

Couverture Roland magazine
Nouvelle Looking for Agassi

Les bons sentiments de Bolsonaro

Bolsonaro sera le nouveau Président du Brésil. Malgré son usage éhonté du mensonge, de la violence verbale, son mépris de l'intelligence, son indécence historique, et un amateurisme dont on commence à entrevoir l'ampleur.

D'autres l'ont fait avant lui, même ceux qu'on disait modérés. Mais aucun n'en a joué de façon aussi systématique que lui.

Voilà le Brésil face à lui-même. Ses démons, plus ou moins vieux.

Le programme de Bolsonaro, c'est le retour au stade pré-anal, voire foetal, une enfance de l'être où l'on frappe la première personne qui vous contrarie, où l'on chasse celui ou celle qui est différent de vous, où l'on insulte celui ou celle qui prononce un mot que vous comprenez seulement au bout de 3 secondes.

C'est la quête du confort absolu.

Bolsonaro a su parfaitement exploiter la situation catastrophique du Brésil et de la politique brésilienne, mais il a surtout su proposer de bons sentiments. La protection, le câlinage. Du moins pour son électorat.

Il faut le suivre sur Twitter, observer son compte Instagram, pour réaliser qu'il se pose en papa. Celui qui vous défendra, même si vous avez tort, même s'il a tort, pourvu que vous pensiez comme lui.

Il est le signe d'une époque qui sacrifie tout à son confort immédiat, même son futur. Un temps qui a peur, et qui refuse de dépasser ses appréhensions, par bêtise et lâcheté. C'est de la politique infantile et magique, à l'instar de tous les populismes. Un peu comme si un type vous disait de danser sur une autoroute en vous jurant qu'il ne vous arrivera rien, parce que lui l'a décidé ainsi.

Bolsonaro est le chaman du pauvre. Un barbare des bons sentiments, qui dispense de tout, sauf d'une jouissance piteuse, abrutissante et basse. Ce que certains appellent “le bonheur”.

NB : cet article a initialement été publié sur le blog Cecinestpasuncliché, que je tiens avec Custódio Rosa.

Nicolas Gomez Davila

Est réactionnaire tout homme qui n’est pas disposé à acheter sa victoire à n’importe quel prix.

Quelle fête que la prose de ce vieil Indien bruni au soleil de l’Antiquité, qui taille des distiques comme on aiguise des flèches, au milieu de sa bibliothèque immense, dans une maison centenaire d’un vieux quartier de Bogota. Nicolas Gomez Davila fait un Borges laconique, pas baisant, moins enchanté de son savoir que le grand conteur aveugle. Cela tombe net, indubitable, comme une balle crevant un baudruche. 

Dans les époques aristocratiques, ce qui a de la valeur n’a pas de prix. Dans les époques démocratiques, ce qui n’a pas de prix n’a pas de valeur.

J'ai lu Le réactionnaire authentique de Gomez Davila ne même temps que la correspondance de Flaubert. Les deux bonhommes ont horreur de la faiblesse de masse, faisant pencher les têtes dans le sens du vent. L'un et l'autre sont les tenants d'un même inactuel, fait d'intelligence et d'honnêteté. Ils sont la figure de l'artiste idéal, attentif et distant, acerbe et mystique, anticonformiste parfois, libre toujours. 

Les deux ailes de l’intelligence sont l’érudition et l’amour.

Dans une époque élevant la cupidité en système, prônant la passion cynique du transitoire, l’exploitation commerciale de la bêtise, l'élévation de la tartuferie en métaphysique, la lecture de Gomez Davila est un plaisir piquant, où germent les délices d’une discipline aristocratique de l’esprit.

Vivre avec lucidité une vie silencieuse, discrète, parmi des livres intelligents, et aimé de quelques êtres chers.

L’intelligence et l'art sont désormais une lutte, davantage contre leurs faux-semblants et leurs imitations industrielles que leurs ennemis frontaux.  Il s'agit de ne pas s'enivrer d'impuissance, même s'il y aurait de quoi. A l'instar de Gomez Davila, il faudrait convertir sa résignation en enchantement. Certes, celui qui n’épuise pas sa vie à assouvir sa cupidité semble voué au mépris. Mais ceux qui s'adonnent à ce jeu ne l'ont pas choisi. On le leur a imposé. Les réactionnaires authentiques, au moins, sont les victimes consentantes d’une malédiction enchantée qu’ils se sont eux-mêmes lancée.  

Avec l'équipe de France des écrivains, à Francfort

Défaite 5-2, avec les honneurs, lors de notre match retour contre les écrivains allemands. Il y avait les hymnes, les équipements officiels. Cela n'a pas suffi à nous faire gagner. mais un groupe est né.  

Merci à la Fédération allemande de football, à l'Institut Goethe de Paris et à l'Association des Ecrivains Sportifs pour l'organisation de cet événement. 

L'histoire de l'équipe de France des écrivains se poursuit le 20 janvier prochain, à 15 heures, au stade Jules Deschaseaux, contre mes anciennes idoles du HAC, dans le cadre du Festival "Le goût des autres". Retour au bercail ! 

Equipe de france.jpg

Mon cartable connecté

Un petit texte pour une belle initiative en faveur des enfants hospitalisés, Mon cartable connecté

Mon cartable était un parpaing, où je casais tous les livres de la journée. C’étaient les grands débuts du collège, et le savoir pesait un peu trop... Plus j’ai grandi, et plus il s’est allégé. Moche, carré, il s’est effilé, devenu plus maniable, moins sujet de honte, presque. J’ai pu y mettre ce que j’aimais, des livres, les miens, ceux que j’aimais vraiment. Quand je l’ouvrais, il exhalait cette odeur chaude de la mine de crayon et de la poussière, restes de goûter, qui imprégnait le tissu, le fonçait. Il y avait aussi le parfum du papier, de tous les grains et les textures, grossier comme de la peau de lézard, épaisse et douce comme du métal taillé en feuille.

Aujourd’hui, après chaque balade, chaque voyage, j’ai l’impression d’ouvrir mon cartable à chaque fois que j’ouvre un sac. Il s’en dégage la même chaleur un peu moite, de plastique enduit et chaud, où macèrent l’encre, les crayons et les stylos. Celle du travail et de tous les possibles, la vague réminiscence des premiers instants écoliers, où j’ai compris que l’on pouvait créer des mondes entiers avec du papier et un stylo.
— moncartableconnecte.fr

Brexit : j'aurais voulu être triste et surpris

Pour être franc, je ne saisis pas encore l’ensemble des tenants et aboutissants de ce scrutin, même si j’ai lu beaucoup d’articles sur le web et ailleurs (un peu trop vite, comme tout le monde). Mais je sais deux choses : que le rêve européen ne finit pas de dépérir, et que mes amis espagnols qui vivent en Grande-Bretagne ont peur, à la perspective d’un Royaume-Uni sous visa et permis de travail.

L’UE ne fait  pas rêver. Sa structure économique fonctionne, et c’est à peu près son seul succès. Cela ne suffit pas, surtout si on y additionne une croissance peu florissante, l’agrandissement des inégalités sociales, l’effondrement des pensions, les hésitations régaliennes et militaires de l'UE ou de ses principaux membres, son incapacité à s'exprimer d'une voix, et j’en passe.

On dépeint la croissance, même modérée, comme une sorte de cercle vertueux, dont les fruits seront pour tous. Voilà longtemps que nous avons compris qu’il n’en était rien. La violence et le désespoir qui frappent notre continent l'illustrent trop bien. Déjà au début des années 1990, près de chez moi, fleurissaient les graffitis annonçant « Ca va péter ». Et c'était avant les fermetures d'usines ou de chantiers navals.

Depuis, la situation a continué de se dégrader. Un glissement que rien ni aucune volonté n’enraye. Parce que l’UE est un circuit, impalpable, gérés par des gens d’accord entre eux, et satisfaits de l’être, qui président aux affaires d’une manière qui se voudrait neutre - à l’image des hommes et femmes politiques actuels. Et la neutralité revient à gouverner dans le sens des plus forts, des mieux armés. En témoignent, entre autres, le sort réservé aux lanceurs d’alerte, ou de récentes tergiversations pour le moins curieuses, notamment en termes de santé publique. Les idéaux fondateurs d’unité, de paix, de justice, et de concorde n’ont pas été reniés, mais ils ont disparu sous les affaires courantes, la comptabilité. Et cela tue l’UE.

A l’image de cette époque, l’UE a évacué la culture, le fabuleux patrimoine du continent, qu’elle se contente de perfuser à coups de subventions et de fêtes, quand ses artisans peinent à vivre.  Elle a chassé l’enrichissement de soi, l’éducation, au profit de dispositions et de machines ternes, mal comprises, qui régulent et dérégulent de façon lointaine, désincarnée, sous la pression des lobbies.

Plus généralement, l’UE symbolise la faillite actuelle du politique et de la démocratie du XXIème siècle. Un seul exemple : le Président de la Comission européenne mène la politique touchant la vie de centaines de millions d’Européens, sans être élu directement par eux.

En 2005, déjà, d’aucuns prétendaient que le NON au traité européen amènerait l’UE à se remettre en cause, se recentrer vers plus de justice économique et sociale. La machine a prouvé son inertie.  

Ce que l'écrasante majorité des populations réclame, je crois, ce ne sont pas les vieilles lunes des révolutions ou la bêtise des populismes, c’est un capitalisme en ordre de marche, qui soit à l’abri d'intérêts ou de groupes particuliers, et assure une juste rétribution aux personnes qui travaillent, comme à celles qui ont travaillé ou qui ne peuvent plus le faire. Non pas l’égalité, mais la justice. L’UE  manque à cet appel.

Le Brexit fera du mal, aux Britanniques comme aux étrangers qui vivent au Royaume-Uni. Je pense à mes amis espagnols, qui travaillent à Londres, à la perspective de l’obtention d’un permis de travail, d’un éventuel ralentissement économique, d’une baisse du niveau de vie, de la montée d’une incertitude systémique et du populisme (car cette bestiole est insatiable, le Brexit ne lui suffira pas). La transition sera difficile, et pénible. J’espère que les Britanniques sauront ménager une voie moyenne, qui ne compromette pas le bien général.  

La décision est pénible, mais il ne faut pas oublier qu’elle émane du vote, de la souveraineté populaire, une notion que même certains amoureux transis de la démocratie peinent à comprendre quand elle va à l’encontre de leur analyse.

Et pour répondre au message d’un ami, envoyé tôt ce matin : à mon sens, le rêve européen n’est pas encore mort. Enfin, je crois. 

L'accent parisien

L’accent parisien est un acquiescement qui se cherche ; une quête sophistiquée qui veut taire sa peine. Ce n’est plus le faubourien, traînard et gouailleur. Il lui arrive de se compliquer de variantes plus mélodieuses, plus aiguës et pincées. Dans sa déclinaison la plus extrême, il promet l’esprit. Il marque une pause dans les discours alambiqués, qui sentent la peine. Quelques icônes l’ont mis à l’honneur, avec cette délicatesse précieuse qui fait la beauté discrète, usée, des Parisiennes, ou des jeunes provinciales qui aspirent à devenir de la capitale.

Dans cette ville où l’on peut se ruiner en se nourrissant de sandwichs, il s’agit de se distinguer. Tous les iconoclasmes sont bons, toutes les trouvailles, les mots d’esprit. Cet accent offre un vernis de profondeur, une trace de méditation.  

Ce n’est pas parce que les pigeons sont bagués qu’ils ne peuvent pas voler !
— Une femme à une amie, à propos d’un homme marié

Il est ce mélange de pudibonderie précieuse et d’exhibitionnisme contrôlé. Il se veut aussi pilier de ces codes non écrits, signant une appartenance, dont Balzac se fait l’exégète. L’adopter c’est être brillant, inspiré, lanceur de tendances, éclaireur de ploucs. Il pare, transforme les serins en paon.

Les victimes du 13 novembre et leur famille méritent nos excuses

Les résultats du premier tour des élections régionales sont l'événement de trop.

Suite à l'horreur du 13 novembre, les hommages furent vibrants.

A défaut de réponses à nos questions, nous fûmes écrasés sous les innombrables analyses, très souvent d’une indigence confondante, une terrifiante nullité morale, et une incapacité générale à la compassion (ne se limitant pas aux fleurs, bougies et câlins gratuits).

Nous étions au bord de la guerre mondiale, paraît-il, puis les journaux télévisés ont recommencé à nous servir Miss France

Nous voilà rassurés. Le pays était retombé sur ses pieds.

Un nouveau signe, s’il en était besoin, de notre pauvreté d'âme, de notre peur du deuil, et de la tristesse. Et je n'évoque pas seulement le saccage du mémorial de la place de la République. Signe évident de notre amnésie. 

Le lendemain des attentats, alors que les corps se trouvaient encore empilés au Bataclan, d’aucuns se répandaient déjà en analyses géopolitiques, sur les soi-disants causes profondes de la tuerie. Comme si les abrutis à bombes et kalachnikovs avaient entendu quelque chose à la situation au Moyen-Orient ou en Afrique. On faisait partager son sentiment sur le monde arabe, le Moyen-Orient, la crainte de récupération politique, quand on ne s’improvisait pas théologiens. Sans compter la compassion "tartufesque" de grands groupes refusant de payer leurs impôts en France, les imbéciles complotistes, antisémites, anti-musulmans, et les charognards de l’autopromotion, toujours bien attentionnés.

Une énième confirmation que les intellectuels de jadis ont laissé place à une myriade d’intelligents, dont le but est de parler plus fort que leurs pareils. De là ce défilé de finasseries satisfaites et de snobismes morbides, sous-entendant que les morts parisiens ne valaient pas les milliers de victimes syriennes, palestiniennes, et nigérianes, tombées depuis des mois, des années. Fort à parier que si ces gens avaient été syriens, palestiniens, ou nigérians, ils auraient interdit à une mère ayant perdu son fils dans une attaque terroriste de se lamenter, car la situation était bien pire en France, ce vendredi 13-là.

J’eus honte pour eux, comme pour les empêtrés dans la polémique du drapeau tricolore. Dont beaucoup ignoraient que le bleu et le rouge référent à Paris, et le blanc au souvenir de l’ancien régime ; ils oubliaient également que des gens, bien loin de l’extrême-droite, avaient péri pour ses couleurs.

Ce fut la curée à la sottise. Et quand on se réveilla, éreintés de tant d’inepties, on se répandit sur les terroristes, afin de comprendre leur nullité, et de s’en repaître. Ce fut nier qu’il y avait peu à comprendre de ces idiots qui ignoraient tout ce qui n’était pas eux, le contentement de leurs appétits médiocres, drogue, miteuses sorties en boîte de nuit, fornication avec des ersatz de bimbos de téléréalité à l’âme d’assistante sociale, et trafics de bas-étage. Ils périrent comme des nullités en quête de célébrité, confits dans le fantasme puéril de toute-puissance infantile, et la frustration des lâches. Il s’agissait de criminels sans envergure, pareils à ces clochards collaborateurs qui envoyèrent les résistants au four pour une plaquette de chocolat, lors de la Seconde Guerre Mondiale.

On décida aussi de se payer les politiques. Il faut dire qu’ils le méritaient : leur attitude inepte à l’Assemblée, les dysfonctionnements ayant mené aux massacres du 13 novembre, et leur politique internationale d’un cynisme coupable. Il est bien connu que lorsque l’élite d’un pays n’a guère d’idées pour le redresser, elle ne sait se tourner que vers l’argent, même s’il s’agit de celui de régimes qui flagellent les blogueurs, réduisent les femmes à la minorité perpétuelle, et dont certains ressortissants ont, semble-t-il, financé le terrorisme. 

Le procès des politiques est à faire, mais je crois qu’il aurait fallu attendre que le sang coagule. Par respect, pour les victimes, leur famille, et notre propre peur.

D’autres ont lancé des injonctions à s’étourdir de nouveau, dans les bars, les salles de concert et les boîtes de nuit de la capitale. Comme si hurler et se soûler faisait office de combat et de résistance.

Suite à l’assaut de Saint-Denis et la révélation de la menace pesant sur la Défense, refit surface un fatalisme sidérant, déjà présent quelques semaines avant les attentats du 13 novembre, et tout autre que les analyses de professionnels qui connaissaient suffisamment la situation pour nous mettre en garde. Un fatalisme risible, inconsistant, faisant que certains en venaient à souhaiter que « cela arrive une nouvelle fois et que l’on n’en parle plus ».  Comme si ce défaitisme immature pouvait garantir de la mort, dissuader les assassins, et oblitérer les insuffisances de nos autorités, qui restituent des papiers d’identité à un voyou comptant se rendre en Syrie.  

J’écris, car je ne saurais me contenter de l’indigence intellectuelle et affective dont nous faisons preuve, oscillant entre exaltation et abattement, dignes des pires enfants rois, dans l'espoir que des égorgeurs aient pitié de nos craintes, et qu'un imposture politique comme le FN vole à notre secours. On lutte contre ces gens par l’intelligence, le courage d’avancer des idées étayées, universelles, inactuelles, sans crainte de prendre à parti l'impuissance criante de notre système éducatif, l'aveuglement des politiciens, nos illusions économiques et sociales, notre lâcheté, notre amour de la bêtise, les pratiques qui méprisent la femme, confinent à la lecture littérale des textes religieux, relaient des stupidités moyenâgeuses véhiculées par des prêcheurs de haine, et confortent dans un racisme doléant, dont les bornes sont la condescendance bien-pensante de gauche et l’exclusion autoritaire de droite (j’évoque des traditions politiques, non des partis).

A défaut de clairvoyance et de courage, nous avons fait preuve d’une insondable cruauté, ainsi que d’une terrible indigence humaine et intellectuelle. Une médiocrité égale, sans doute, à celle qui nous bouche les yeux sur la montée de la haine pour les valeurs de la France, en son propre sein, et à celle dont font commerce ceux qui fourguent simplismes sacrés, bouc-émissaires et bêtise intellectualisée à qui veut l'entendre. Avec un succès dont témoignent, entre autres, le nombre effarant de candidats au voyage en Syrie et le score du Front National en ce soir de premier tour des élections régionales.

Au nom de cela, les victimes et leur famille méritent les excuses de notre pays. 

 

Pour briller dans les soirées où il faut parler, ou bien écrire de la chanson française

Prise de conseil auprès de Jules Lemaître (1853-1914), resté dans les mémoires pour sa série de portraits intitulée Les Contemporains, laquelle renferme des études sur Huysmans, Mallarmé, Alphonse Daudet, Anatole France, les Goncourt et Zola, entre autres.
Dans le deuxième volume de ses Contemporains, ce ponte du Paris littéraire de la charogne fleurissante, s'entiche d'un ouvrage de la Comtesse Diane, femme de lettres aujourd'hui oubliée, proche de Sully-Prudhomme, premier prix Nobel de littérature, Hérédia et Loti.
En prélude d'une étude sur le génie "franchement féminin" de ladite Comtesse, Lemaître expose sept procédés utiles à qui fera voeux de rutiler dans les salons ou de trousser de la mélodie, tout en ménageant sa peine.

On distingue ainsi :

1 - La pensée "algébrique", dont la mise en oeuvre nécessite " de trouver quatre sentiments, passions, vices, vertus, qualités, défauts, etc.., dont les deux premiers soient entre eux, dans les même rapport que les deux derniers. Le schéma ordinaire est celui-ci : "... est à... , ce que... est à ..."".
Exemple : "Le shampoing est au chewing-gum, ce que l'amour est à la haine". Limpide, bien balancé. "Cela ne veut rien dire, mais on ne s'en douterait pas". 

2 - La pensée "antithétique", laquelle consiste à allier des mots de sens opposé. Assez efficace, car "il est rare que la réunion des mots exprimant des sens contraires n'ait pas l'air de signifier quelque chose" écrit Lemaître. 
Exemple : "Le pauvre est riche de ce qu'il n'a pas", ou bien "le riche est pauvre de ce qu'il a". D'usage commode, cette maxime "vous vaut un air fin et en vaut une autre".

3 - La pensée "paradoxale", qui vise à choquer le bon sens commun. Spécialité des collégiens et des lycéens en rupture de ban, employée dans une certaine littérature et la publicité  : "La morale est la pire des dépravations" ou "L'imbécilité est la plus grande conquête du genre humain." La pensée paradoxale gronde fort, comme le slogan d'une marque de lessive ou un rot.

4 - La pensée "Joubert ou Vauvenargues", variante lyrique de la saillie mondaine. Ce genre supposant une psychologie "très fine, on ne craindra pas, au besoin, d'allonger un peu la pensée, en la tarabiscotant", écrit Lemaître. Voici avec la mort : "La mort est une subtile maîtresse, qui nous conquiert un peu plus chaque jour. Apprenons à l'aimer..." L'amour est son thème de prédilection, et plus généralement tout état d'âme favorisant l'épanchement mélodramatique. C'est la pensée des amants parfaits des films à l'eau de rose, des chevaliers blancs et des poètes très maudits.

5 - La pensée "définition" légifère de l'état du monde avec un aplomb de faiseur de miracles. Elle mobilise deux notions de sens proche, et se charge d'en démêler les nuances. Voici l'exemple donné par Lemaître : "Soit : orgueuil, vanité, amour-propre, fatuité. On écrit bravement : "L'orgueil est viril, la vanité est féminine, l'amour-propre est humain". Ou bien encore : "La fatuité est la vanité de l'homme dans ses rapports avec la femme""Il y a un moindre abîme entre la modestie et l'orgueil qu'entre l'orgueil et la vanité, etc...". 
Exemple : "Il y a un moindre abîme entre le flan et la tarte tatin qu'entre la tarte tatin et la mousse au chocolat."

6 - La pensée "pittoresque", créée une image donnant corps au concept évoqué. Sa genèse fonctionne par "bonds" successifs : ""Notre imagination dépasse ordinairement ce que nous apporte la réalité", voilà certes une pensée qui n'a rien de rare. Et bien, travaillons là-dessus. Nous nous rappelons que l'imagination est "la folle du logis"; c'est une première indication. Creusons ce mot "logis" et nous ne tarderons pas à écrire : "L'imagination est une maîtresse d'auberge qui a toujours plus de chambres que de clients."  Souvent, elle n'est comprise que de celui qui la formule.

7 - Enfin, la pensée "à la Royer-Collard". Synonyme de "tautologie", "platitude" et "truisme". Elle donne : "Le feu brûle" ou encore "l'eau mouille". Escroquerie intellectuelle à assumer avec une aura de statue grecque.

Pour conclure, les “pensées et maximes” sont un genre épuisé et un genre futile

, proclame Lemaître. 

Voilà qui est dit. 

 

Le déclin du courage, Alexandre Soljenitsyne

Exilé aux Etats-Unis, Soljenitsyne s’exprime à Harvard, en 1978, au temps d'une Guerre froide languissante. Son allocution est consignée dans un petit livre, Le déclin du courage. Il y épand son écoeurement du socialisme soviétique comme du capitalisme américain, les deux faces proéminentes de l’époque, alternatives qui ne suffisent pas.  

Non, je ne peux pas recommander votre société comme idéal pour transformation de la nôtre. (…) Nous avions placé trop d’espoirs dans les transformations politico-sociales, et il se révèle qu’on nous enlève ce que nous avons de plus précieux : notre vie intérieure. À l’Est, c’est la foire du Parti qui la foule aux pieds, à l’Ouest la foire du Commerce : ce qui est effrayant, ce n’est même pas le fait du monde éclaté, c’est que les principaux morceaux en soient atteints d’une maladie analogue.

Crédits : Sipa

Capitalisme et socialisme procèdent du même avilissement de l’âme humaine, la dissolution de la vie dans les moyens de l’existence, et la mesquinerie afférente. Incapables d’ampleur, les hommes ne se contiennent que par le droit, unique garde-fou contre la guerre de tous contre tous, avec le seul espoir de perpétuer leur confort, assurer le bon approvisionnement en chipolatas du barbecue  dominical.  

L’autolimitation librement consentie est une chose qu’on ne voit presque jamais : tout le monde pratique l’auto-expansion, jusqu’à ce que les cadres juridiques commencent à émettre de petits craquements

Rien de grand, nulle métaphysique dans la civilisation suiviste, l’ordre du moindre mal, invertébré, ne sachant que faire face aux menaces, amputé de son courage, par la crainte de la douleur.

Si l’homme, comme le déclare l’humanisme, n’était né que pour le bonheur, il ne serait pas né non plus pour la mort. Mais corporellement voué à la mort, sa tâche sur cette Terre n’en devient que plus spirituelle : non pas un gorgement de quotidienneté, non pas la recherche des meilleurs moyens d’acquisition, puis de joyeuses dépenses des biens matériels, mais l’accomplissement d’un dur et permanent devoir, en sorte que tout le chemin de notre vie devienne l’expérience d’une élévation avant tout spirituelle : quitter cette vie en créatures plus hautes que nous n’y étions entrés. Inéluctablement, nous sommes amenés à revoir l’échelle des valeurs qui sont répandues parmi les hommes et à nous étonner de tout ce que celle-ci comporte aujourd’hui d’erroné

Ce règne de l’angoisse et de la lâcheté en réseaux est dominé par un assistanat technocratique, bien-pensant, paternaliste et gnangnan qui hait l’altitude, l’original, l’unique. Un instrument de domination assumé, une servitude volontaire, qui s'infuse dans tout le corps social.  

Crédits : Effigie/Leemage

Ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante, d’où l’impression que le courage a déserté la société toute entière. Bien sûr, il y a encore beaucoup de courage individuel mais ce ne sont pas ces gens-là qui donnent sa direction à la vie de la société. Les fonctionnaires politiques et intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes, leurs discours et plus encore, dans les considérations théoriques qu’ils fournissent complaisamment pour prouver que cette manière d’agir, qui fonde la politique d’un Etat sur la lâcheté et la servilité, est pragmatique, rationnelle et justifiée, à quelque hauteur intellectuelle et même morale qu’on se place. Flétrissement de la civilisation, qui affecte tous les régimes politiques. Il s’agit de permettre à l’homme de concevoir la possibilité de s’élever.

Le courage, en tant que posture, déserte le corps social. Il n’est qu’affaire de réaction individuelle, spontanée, ponctuelle, souvent récupéré par les plus opportunistes. Que faire, sinon attendre la fin de la nuit, l'agiter de temps à autre, quand la force ne manque pas, en s’efforçant de la traverser sans trébucher, sans que l’on vous fasse trébucher ?

Que peut (encore) la littérature ?

Puisqu'il a bien fallu tâcher de donner une réponse à cette question, voici la mienne, affichée lors du festival du premier roman de Laval.

Gustav Klimt, ou le rêve en sécession

Klimt est la preuve que les immenses artistes échappent à leur époque, et aux mots de leurs exégètes, comme ceux que j’écris là.

Tout commentaire s’avère redite appauvrie de ses peintures. Chacune de ses oeuvres déclare une vérité qui n’est exprimable que par elle. Le reste n’en est qu’une périphrase indigente.

Panneau de la frise Beethoven (1902)

Je peine à comprendre pourquoi, tel homme, voici plus d’un siècle, s’est mis à peindre ainsi, en dépit de ce que les historiens de l’art évoquent sur cet Empire austro-hongrois insensé, où personne ne s’entendait, engoncé dans un décorum creux, sous une pyramide de grabataires et un académisme mort, attentifs à leur seule conservation.

L’or est toujours là, dans la lumière, ou étalé sur l’œuvre elle-même, flottant comme la poudre du rêve. Les personnages ont cette allure raide et alanguie, comme des statues ou des bijoux, où se trahit le fils d’orfèvre qu'est Klimt. Il a cette extrême précision des songes, vaporeuse et définie, primitive et sophistiquée, dans un relâchement étudié, extrêmement agencé, comme sa Judith ou sa Salomé, où se dévoile l’inquiétude neuve de la femme puissante, naturelle dans le vice.

Judith et Holopherne (1901)

En 1892, la mort de son frère l’incite à rompre avec l’académisme, cette tragédie intime lui rappelant la nécessité d'assumer sa vocation d'artiste. De découvreur. 

Klimt incarne la réussite ultime d’une coalition composée du Flaubert de La tentation de Saint-Antoine, Doré, Moreau et Beardsley. 

La Philosophie (1900, détruite en 1945 par les nazis)

Il est l’un des modernes à comprendre le mieux que tout est allégorie. Il ruine la parodie à laquelle les académiques confinent la peinture.

Une grande chance que l’exposition de la Pinacothèque montre aussi les travaux de Schiele et de Kokoschka, plus sanguins, bouchers, instaurant une forme de déstructuration charnelle de l’âme humaine au temps des massacres de masse, ou de leur annonce.

"Au temps de Klimt, la Sécession à Vienne", Pinacothèque de Paris, du 12 février au 21 juin 2015. 

Cher Charlie, fais-moi un dessin

Cher Charlie,

Fais-moi un dessin. Et fais-moi rire.

Parce que j'ai peur qu'ils réussissent, les aveugles, les sourds, les fous et les barbares.  

Populistes, nationalistes ou fanatiques religieux, ils appartiennent au même camp, même s'ils se détestent. Faisant tout paraître simple, sérieux, et grave, leur but est la guerre. Une fois la mort semée, ils se tueront. Car ils haïssent la vie.  

Ils sont le tribu que nous payons au culte de la bêtise, l'infantilisation, la laideur, obéissant à une logique de mollusque qui nie l'intelligence et l'humour.

Notre époque policée secrète une barbarie ultra-moderne, née au sein de la logique de satisfaction immédiate, la cupidité, la soif de célébrité, la quête de sens, le mépris du savoir, de l'inconnu, et de la finesse.  

Le plus grand nombre à souscrit à ce déclin de la qualité humaine, et à la nullité. 

Et notre cadavre écervelé pilote une machine qui avance et calcule toujours plus vite, sans savoir à quelle fin. Nous ne valons pas la technologie et l'écrasante quantité de divertissement que nous nous offrons. 

Ultra-moderne, notre époque l'est assurément, alimentant les fantasmes et l'imbécilité avec une facilité jamais vue dans l'histoire. Une recherche Google suffit à s'en convaincre. 

Perdu dans l'hypermarché du sens et du divertissement, on trouve toujours une cause à laquelle appliquer sa haine, son malaise, sa stupidité.  

Avec la connerie institutionnalisée, la peur, le désespoir, ce grand bordel facilite la tâche des preneurs d'âmes, qu'ils soient munis d'une casquette religieuse ou politique.  

Ce 7 janvier, nous avons vécu le nouvel acte de construction d'un monde d'architectes cruels, sans but, aveugles, sourds et fous. Notre résignation et les gestionnaires leur ont abandonné la place. 

Cher Charlie, fais-moi un dessin. Et fais-moi rire. Même tristement. 

Aujourd'hui, c'est la meilleure façon de lutter. 

Notre Jeunesse ou Péguy dans la DeLorean

S'il arrivait de 1910 dans sa DeLorean à voyager dans le temps, son livre Notre Jeunesse ferait passer Péguy pour fou, tel un sain d’esprit au milieu d’un carnaval d’aliénés.

Son combat pour l’inactuel garde toute sa légitimité, alors qu'en guise de politiques nous disposons de socialistes déconfits, à la mauvaise conscience abolie, de droitiers d’un cynisme inoffensif, chiffonnier, d'une extrême-droite érigeant la sottise nationaliste en fonds de commerce financé par la Russie, et de tout le reste, inexistant.

Une tourbe, semblable à celle que Péguy affrontait, avant la Grande Guerre, rassemblement de laïcards, cléricaux, royalistes sur le retour, et autres intellectuels autoproclamés.

Péguy ne militait que pour la justesse -dans les mots, la conduite- et la justice.

“Tout commence en mystique et finit en politique”, célèbre phrase, fataliste et d’une incroyable clairvoyance, qui résume la chute de l’idée dans le monde, toutes les formes de compromissions : « Les fondateurs viennent d’abord. Les profiteurs viennent ensuite. »

Désarroi dreyfusiste, amertume face au cirque politique produit par leur engagement de jadis, en faveur d’un officier juif inconnu, dont le sort déchira la France.

Le capitaine Dreyfus blanchi, on oublia les hommes qui se damnèrent à le défendre, au profit des ambitieux. Péguy met Jaurès au nombre des médiocres et des arrivistes, chantre de la victoire totale de la politique sur la mystique, des ambitieux sur les fondateurs.

« Le combat est contre ceux qui haïssent la grandeur même, qui haïssent également l’une et l’autre grandeurs, qui se sont faits les tenants officiels de la petitesse, de la bassesse, et de la vilénie ».

Quel gâchis. Et Péguy de vomir la médiocrité spirituelle de son siècle, le populisme de bas étage, l'antisémitisme, semblables à ceux de notre époque, cacophonie moderne ne trouvant de fin qu’en son propre vacarme, comme l’on se baigne dans son urine : "C'est en effet la première fois dans l'histoire du monde que tout un monde vit et prospère, paraît prospérer contre toute culture." 

Plus rien d'inédit dans ce constat.  

Péguy déterre le besoin de rage, la pulsion de mort d’un pays vieux d'esprit, jugeant épuisés les possibles d'une République écrasée par l’affairisme et la tartufferie, qui se libéra de lui-même en se jetant dans la guerre de 14-18 et le massacre de masse.

Sordide retour à la mystique. 

Je n'ai pas voté dimanche

Et je dois l’avouer, je me sens con. Comme beaucoup d’autres, j’imagine.

Autrefois repère de nostalgiques de l’Occupation et de l’Algérie française, l’extrême droite conquiert. Sans autre consistance que l’opposition systématique, la paresse intellectuelle, la peur, le racisme, un opportunisme sans vergogne, agrémentés d’un goût certain pour la provocation, l’attaque ad hominem et la répartie inconséquente. On voit que cette buée politique s’arroge une part grandissante de l’électorat, déçu par l’incurie des politiciens et le manque de représentativité d’institutions républicaines, tenues par les notables et les professionnels de la chose publique.

Pour la plupart des Français, l’Europe sert à ouvrir les frontières, s’éviter de changer des francs en pesetas, et produire des traités régissant un marché fondé sur la libre-circulation des biens et des personnes. Parfois, on sait aussi l’Europe pourvoyeuse d’aides agricoles, de subventions, et partisane du contrôle du déficit, salutaire pour les uns, frein à la croissance pour d’autres. L’Europe, ce sont également des lois, instaurées dans les pays via des directives nées au sein de cabinet de commissaires non élus par le peuple. En dehors de l'économie, difficile d'y déceler un projet commun et totalement démocratique.

Hier soir, une éditorialiste résumait bien la position officielle de nos « élites » quand elle expliquait en ricanant que ce scrutin ne servait à rien : d'après elle, les votes d'extrême droite se noient dans la droite conservatrice, Juncker a de grandes chances d’être choisi, et de toute façon, l’Europe est faite en petit comité, par les chefs d’Etat, les Commissaires et les Ministres des Finances des pays membres, en témoigne le traité de Lisbonne. La routine. En résumé, les électeurs ont piqué leur colère, grand bien leur fasse, aurait-elle pu conclure. Plus cabotins, main sur le cœur, les politiques nous ont joué la ritournelle de l’indignation et de la gravité. A ce numéro, mention spéciale à Copé agitant ses casseroles. Quant aux intellectuels, ils prendront à témoin la morale et l’histoire ; ce dont tout le monde se fout. Les scrupules et le passé sont malheureusement démodés.

Rien ne va changer.

Le FN est une maladie infantile de la démocratie, une résultante. Il ne porte aucun élan, aucun enthousiasme. Du fascisme, il reprend la fable de la pureté nationale, du populisme, la haine de la dissension. Refusant la complexité et la temporalité de l’action politique, il produit des solutions miraculeuses, issues d’un soi-disant bon sens que la communauté nationale serait censée partager. Une manière de génération spontanée, issue de « vrais » Français. C’est un vote adolescent, du tout immédiat, du fait divers. De la réaction, à tous les sens du terme. C’est aussi et surtout le symptôme d’une immense misère, économique, sociale et intellectuelle.

Le statu quo actuel prévaudra jusqu'au renouveau de la politique, ou bien jusqu’à ce qu’une majorité de gens ne craigne plus de sacrifier leur confort à un changement radical. Si ce bouleversement se produisait, il déchaînerait une guerre de tous contre tous.

Mais j’écris ça alors que je n’ai pas voté.

Et oui, je regrette de m’être abstenu, comme je déplore cette situation faisant que je ne voterai non plus pour un candidat, ni une idée, mais contre une personnalité et sa clique.