Corse_1/2
Je voudrais me remémorer chaque détail de Saint-Florent, avec sa cathédrale où un légionnaire romain dort comme un petit enfant, L’Île-Rousse, sa place Paoli bordée de platanes écaillés, dont les feuilles brûlées prennent la teinte du vieux métal, et sa plage qui fait un creux en pleine ville, puis Calvi, la paix de la citadelle et la cathédrale Saint Jean-Baptiste, peinte d’un jaune vérolé, à l’intérieur blanchi comme les entrailles d'un nuage.
Il y a la route aussi, comme celle qui mène à Piana, taillée dans une roche rouge comme de la chair malaxée, qui tombe dans l’eau bleue, plusieurs dizaines de mètres plus bas.
Puis l’arrivée dans la baie de Porto, dominée par un trident rocheux, parmi les eucalyptus, de gros troncs torsadés, pelés, soutenant des frondaisons qui dispensent un fade arôme de camphre.
Les calanques de Piana sont peuplées de crânes, de restes de cathédrales, de trônes abandonnés, d’une armée de lémures, minotaures, cyclopes, diables et dragons pétrifiés dans le porphyre. On y devine des genoux, des coudes, des gueules hurlantes, des gorges, étirant le sac pourpre qui les enferme. Leur supplice compose un défilé magnifique, à ces créatures à tête de poissons, qui s’embrassent et se lacèrent.
Scandola dévoile une peau grêlée, tendue sous le soleil, parcourue de dentelles vertes, où survivent des végétaux ras. On a taillé des anses portant le nom de malheureuses étreintes, des entrelacs qui simulent des retrouvailles, dans cette roche acnéique, parmi ce paysage de fourches, de cascades et de bouillons fossilisés, crachés lorsque la terre se déchirait, se vomissait dans l’eau pour éteindre son propre feu.